Un sourire de retrouvailles inattendues accueille au seuil de ce restaurant simple, de quartier. Une parenthèse de quelques années d’oubli, peut-être d’infidélité, de c-est-mieux-ailleurs, s’est refermée par ce simple mouvement d’amitié.
Avec ce dîner, ce sont des années fastes qui ont refait surface, des années glamour où, dans les entreprises, les budgets de représentation étaient fastueux, où les responsables événementiel, les chargés de relations publiques, les assistantes de Direction avaient portefeuille ouvert, du moins les moyens d’une grande créativité.
Avec cet ami restaurateur, autour d’un verre et très encouragés par le fait qu’il soit rempli de Bourgogne, nous avons voyagé dans ce passé luxueux, ce temps rêvé de l’art de recevoir à la française. À l’époque, pas lointaine, moins de dix ans, une certaine élégance générale était de mise, chacun y mettait du sien pour tenir un rang. Opéras époustouflants, concerts et récitals rares, soirées dans des lieux prestigieux, dîners, soupers : tout le monde s’habillait, se mettait en frais. Fourchettes à gauche, couteaux à droite, duo ou trio de verres à pied, serviettes en lin, nappes damassées, chaises dorées, exubérance de fleurs raffinées, bougies pastel aux ombres douces.
Avec cet ami restaurateur, nous avons repassé un à un les moments somptueux que nous avons eus à organiser. Des visites privées des pièces secrètes de Versailles, suivies d’un souper, toute argenterie et tous cristaux dehors, à la Grande Cascade. Des soirées de gala à l’opéra Garnier, l’escalier d’honneur débordant des plus belles fleurs, serti du panache de la Garde républicaine en grand uniforme et sabre au clair. Les femmes scintillantes dans de sublimes robes longues, les hommes en tux.
Avec cet ami restaurateur, nous avons parlé de la chance d’avoir collaboré, d’avoir fait travailler tant de métiers de passion : restaurateurs, traiteurs, cavistes, musiciens, corps de ballet, chauffeurs de limousine. L’effort fourni collectivement par l’hôte, ses fournisseurs, les fournisseurs de ses fournisseurs, pour orchestrer un moment hors du commun, élégant mais simple, millimétré tout en gardant l’air de rien, savoureux, goûteux ; une somme de détails qui mettent les cœurs en joie, les esprits en fête et remplissent de fierté tous ceux qui se sont donné du mal à y œuvrer.
Avec cet ami restaurateur, nous avons célébré ce monde unique des magiciens de la fête, des prestidigitateurs de la Grande Cuisine : cuisiniers, sauciers, pâtissiers, chocolatiers, ce monde des artisans aux mains d’or, des maraîchers, éleveurs les plus talentueux.
En quelques minutes, nous leur avons rendu hommage et trinqué au retour, un jour, de cet Art consommé de la fête, si cher aux cœurs hexagonaux.
Guillemette Callies 