CMachronique 2022 – « Les hyènes parées de vertus et le vieux Lion »

Il y a fort longtemps, Aristote décrivait déjà ainsi les hyènes :
le territoire de chasse des hyénidés aux mâchoires puissantes n’est jamais assez grand ; en bande, elles font le vide autour d’elles. Elles s’attaquent d’abord aux plus faibles, à défaut font banquet de charognes.
L’honneur et le courage ne sont pas à leur menu.

Mais le temps et la civilisation firent leurs œuvres, et il semblerait que les hyènes aient calé la voile. Leur vil pelage s’est paré des vertus de la frugalité et de la charité.

Les lions, leurs seuls véritables adversaires, continuent à ne dormir que d’un œil.
L’histoire dira que bien leur en prend.
Car l’eau retourne toujours à la rivière ; on ne saurait dissimuler très longtemps.

Un vieux lion, très savant, n’était pas loin de prendre sa retraite dans les tréfonds de la savane. Il continuait son métier de roi, sa légende lui servait de parure et de bouclier ; il ne lui était nul besoin de continuer à se battre ; personne ne lui contestait son mérite. De jeunes félins qu’il avait formés et qu’il instruisait encore prendraient sa suite ; l’avenir lui semblait serein.

Des hyènes, que les moins bons usages du monde avaient façonnées, rôdaient, désœuvrées, sur le même territoire. Contrefaisant une parfaite conversion, la bande semblait se suffire de radis, de laitues et de simples. Elles se vantaient de leurs secours auprès des plus nécessiteux de la prairie ; elles larmoyaient même sur les miséreux au-delà.
Ces fraîches vertueuses prêchaient leurs dogmes tout le jour, conspuant les réfractaires. Arrogantes, elles mettaient à l’index, clouaient sans remords au pilori tout crédule à leur religion, les affublant de tares qu’Aristote, même de son tombeau, leur reprocherait encore.

Les dieux n’étaient pas loin d’y croire.
Mais leur instinct veule, celui du goût du sang, tapis dans les gènes, en sommeil dans leurs artères, ne put s’en satisfaire. Le faible, la proie facile, titillait leur nature, aiguisait leurs appétits.

Le vieux lion, dont les crocs ne coupaient plus rien, traînait sa bonhomie devant ses ouailles, leur contant posément sa science, cadençant son propos de son pas pesant mais digne.

Les hyènes, sentant l’aubaine, léchaient leurs babines, aiguisaient leurs griffes. Leurs ricanements macabres sonnèrent la charge, calées sur leurs ergots elles attendaient le faux pas.

Mais, de jeunes lions chevaleresques, pleins de bon sens et de bons sentiments, nourris par la science du vieux lion et les lois de l’honneur, flairèrent l’affaire et firent bouclier.
Leur courage fit barrage aux candidates à la curée. La queue basse, vaincues avant d’avoir chargé, elles ne purent que reculer.

Dans la savane, on en entendit parler.
Ce qu’il se dit depuis, c’est que le vrai courage se transmet et se partage et, qu’ainsi, jamais seul, on est toujours le plus fort.
Il se dit aussi que la charité mal maquillée, autant seul qu’à plusieurs, fait rapidement naufrage.

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