
Le thème de la musique, des pièces, des chansons qui touchent le cœur, l’âme même, revient souvent dans ces chroniques. Il y en a une parmi elles qui mérite une attention particulière, c’est le « Cantique de Jean Racine » de Gabriel Fauré qui ne fait pas que s’écouter, qui se vit par toutes les fibres du corps qui vibre d’émotions comme le feraient les cordes effleurées d’une harpe.
Le corps réagit fortement quand il reçoit ces notes, l’écho de ces voix, il réagit plus fortement encore à le produire lui-même. Donner de sa propre voix change complètement la donne, en particulier lorsqu’elle n’a été cantonnée qu’aux murs de son salon. C’est une gageure d’aller chanter en chorale, de s’associer à des voix éduquées, entraînées ; vraiment musiciennes.
Toute la complexité de l’exercice se mesure dès la prise en main de la partition. En classe, en primaire, au collège, il n’y a jamais qu’une portée et des notes, presque simples, à déchiffrer. Là, il y en a cinq : celle du piano et celles des quatre types de voix : basses, ténors, altos et sopranos. Auquel appartient-on ?
Chercher sa voix devient l’essentiel, est toute la question.
Alors, on compose. Oui, on compose pour se fondre, avec toutes les imperfections de son jeune art, dans la masse des belles voix. Ce qu’il faut éliminer dès le départ, c’est la timidité, la gêne, le sentiment d’illégitimité ; oser. Oublier que la perfection vous entoure et qu’on ne l’exige pas de vous et se lancer, même discrètement, dans l’usage de ce magnifique instrument que sont ses cordes vocales.
On sait, on sent, on se sent en-deçà des autres. Placé entre les altos et les sopranos, l’équilibre, le recours, le secours : le guide, se trouve et il y toujours une note, une mesure sur lesquelles s’appuyer et produire de son mieux. De passe en passe, de reprise en reprise, le métier rentre, modestement, mais suffisamment pour, l’espace d’une seconde, oublier la besogne et offrir à sa propre oreille, la joie satisfaisante de comprendre le tout et de goûter l’harmonie produite.
Même en sourdine, pour ne pas gêner l’art des autres, le corps, son propre corps, dans une émotion toute différente de l’écoute passive, vibre d’une émotion unique, celle d’être, d’être parvenu à être, sa propre harpe et d’avoir effleuré, de toutes ses fibres, la grâce de la musique.
En souhaitant que, Dieu lui-même, dans sa grande bienveillance à recevoir toutes les prières, même les moins accordées, « de ce don, il retourne comblé ».