
La « Seine Musicale » existe, elle a jailli des débris industriels du navire amiral de l’un des fleurons l’automobile française, Renault, depuis maintenant quelques mois et, extraite de son environnement géographique, c’est une merveille architecturale. Quelle réussite esthétique ! Autant à l’extérieur, éperon de l’île Seguin, qu’en intérieur, écrin pour toutes les formes d’expressions musicales et artistiques.
Il y a bien sûr un mais. C’est sa situation dans une boucle du fleuve où la forêt prime à l’ouest et où le béton domine à l’est. Le regard cherche le vert, d’autant plus qu’il sait qu’il a tout recouvert il y a encore peu. On sent la puissance de l’inexorable poussée urbaine ; la ville dévore tout, de toute la hauteur de ses édifices glacés de verre et d’acier, écrasant tout, le bourgeois, l’ouvrier ; la poésie de l’humble et du petit.
A quelques mètres de là, au début du XXème siècle, un grand philanthrope, Albert Kahn, prenait possession de terrains, non pas pour lotir à tout-crin, mais au contraire, pour célébrer le jardin, dans toutes ses variations culturelles empruntées au monde : du jardin japonais au jardin méditerranéen.
Toute de béton, de verre et d’acier, encore à la recherche de finitions, la « Seine Musicale » se pare d’herbes folles, filles de graminées déposées là, au cœur de ses imperfections et des granulations de ses façades, par le vent, et qui s’empressent de se faire justice, de reprendre leurs droits.
De minuscules racines s’agrippent aux mains destructrices, sylviphages, des hommes, s’opposent au béton aux lignes sévères ; poussent et s’élèvent dans toutes les dimensions indisciplinées possibles. L’homme, s’il prêtait attention à ces petites manifestations, s’y plierait lui aussi. Mais c’est là où le bât blesse : il n’en a cure, il ignore les petites injonctions, discrètes, pacifiques, ces leçons spontanées de frugalité, ces invitations à la modération.