« Flâneries 2023 » – # 13 – « Blasés, blasés ! »


La valise faisait un bruit de marteau-pilon. Cela a duré longtemps, exactement depuis que cet homme est entré en même temps que moi dans la gare. Ce martèlement entêtant a franchi toutes les étapes du contrôle des billets, du contrôle des passeports, les couloirs, les escalators, les tapis roulants. J’étais très contente de la mienne, achetée il y a peu ; silencieuse. Quand on ne voyage pas souvent, partir devient un évènement.

Autour de moi, il ne semblait y avoir que des gens qui le font tout le temps : s’échapper pour un oui ou pour un non, se payer un billet comme pour un ticket de simple trajet de bus et dénicher un gîte épatant pour trois fois rien. Tout ce monde semble naviguer dans la gare avec aisance, se pose comme s’il s’agissait d’un salon, les yeux fixés sur leur portable, plus rien ne les perturbe. Blasés, blasés !

Tout vibrionne. En particulier une petite fille que rien ne calme ; elle court autour des tables, des chaises, des longs bancs en chantant en français et en anglais. Ses parents, vaincus d’avance, n’interviennent pas, ils sont en grande conversation. Essayer de lire avec ce papillon qui tourbillonne est impossible. Alors, je laisse le regard et l’oreille traîner, je glane les images et les sons, en fait, c’est cela le voyage, toujours trouver tout neuf.
Tous les petits gestes, toutes les petites étapes comptent. Tiens ! Amusant ! L’homme qui me précède dans la file a dans son sac un bouquet de mimosa ; à mon avis, il s’est fait avoir, il est presque fané. Bien disciplinée comme les autres, en rang, manœuvrant savamment ma valise à roulettes pour ne pas bousculer les autres, je cherche mon wagon, ma place, je sors mes petites affaires, je m’installe. Un peu d’eau, un livre, mon blouson roulé, boulé comme un bon coussin pour le dos.

Le hic : mon voisin sort de quoi se restaurer. Une énorme salade. Les odeurs de vinaigrette, de parmesan et d’avocat se précipitent vers mes narines. Il va falloir se concentrer sur autre chose mais lire va être difficile. Un petit groupe de filles et de garçons s’agite un peu plus loin dans la rame, heureux du week-end, ils sortent des bières. Ils rient, s’esclaffent, se cherchent de gentilles pouilles.

C’est la nuit, la vitesse augmente, on n’aperçoit pas grand-chose sinon des halos diffus de phares traçant sur les routes et des pointes de lueurs dorées aux fenêtres de maisons lointaines. Puis le tunnel, puis plus rien à regarder. Fermer les yeux jusqu’à l’arrivée.

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