
Rosie, tu te trompes ! Il est impossible de décréter la démolition des églises du XIXème siècle, comme cela, pour un effet de micro, sur le fondement d’une autorité que tu crois qu’un ancien statut te conférerait encore, pour plaire à une minorité sans doute autant inculte qu’irréfléchie ; du moins coupée de ses racines, ingrate de son héritage, dédouanée de tout devoir de respect envers le travail de générations aujourd’hui disparues, mais dont les descendants tiennent à assurer la conservation.
Tu te trompes, en premier lieu parce que tu te méprends sur le sens de ton pouvoir. Il ne s’agit pas de commander sèchement la destruction d’un patrimoine, celui des églises du XIXème siècle, comme celui des calvaires le long des chemins ou comme celui de l’ensemble de la France, métropolitaine ou ultra-marine. Il s’agit de prendre des décisions, au nom du peuple Français, un peuple aux fibres catholiques, chrétiennes dont on ne peut faire fi. « Au nom de » est le seul motif qui justifie la fonction que tu occupais. Tout gouvernant, nommé par un Chef d’État ou élu au suffrage universel, ne doit jamais oublier qu’il obéit à ce principe de délégation de pouvoir. Il est au service de.
Tu te trompes, ensuite, parce que pour pouvoir détruire, comme cela a été fait à Lille l’an passé avec la chapelle du collège Saint-Joseph, il te faudrait d’abord demander la permission. Mais à qui, diras-tu ? J’ai toutes les autorisations administratives ! C’est là où le bât blesse. Les autorités administratives ne sont pas les générations, les personnes, les êtres de chair et de sang, tous de souvenirs et de sentiments, beaucoup de foi et de conviction, parfois peut-être seulement de convention sociale et de respect des usages, qui ont permis à ces monuments, à ces édifices religieux, à ces humbles et discrets témoignages d’une authentique piété populaire, de sortir de terre.
Tu te trompes encore, car ces églises ne sont pas que des murs froids et vides de sens. Ils sont le labeur, la sueur, les accidents souvent, la mort parfois, de centaines d’ouvriers, d’artisans, qui, de leurs mains, ont construit ces bâtiments, ces petites croix, ces petites madones. Ce sont des centaines de dons, du plus substantiel au plus modeste, qui ont financé ces ouvrages. Des contributions collectives qui rendaient chacun fier d’avoir, sinon part à la gloire divine, du moins à l’embellissement d’un village, d’un carrefour ou tout simplement d’avoir permis à un architecte d’envisager le beau, à un tailleur de pierre de vivre de son art.
Tu te trompes toujours, parce que la décision ne t’appartient pas, elle n’appartient pas même au maire, au député, au sénateur ; ni même au Président. Cette église, ces églises, ces archanges, ces vierges, appartiennent à tous ceux qui y ont été baptisés, qui y ont reçu leur première communion, qui s’y sont fiancés, mariés, à qui l’on a offert une ultime bénédiction et une ultime prière avant de les accompagner au cimetière. Ils appartiennent à tous ceux qui les trouvent beaux, qui en comprennent l’histoire, qui éprouvent une émotion en les regardant, qui s’y agenouillent pour y prier sincèrement. Ils sont des témoignages de siècles religieux, d’une France longtemps fille aînée de l’Église.
Oui, Rosie, il y a encore de la vie dans et autour des églises. Et dans l’Église. Détruire, c’est la pire solution, c’est choisir le mauvais remède ou se tromper de maladie et donc de diagnostic. La question Rosie, serait plutôt de comprendre pourquoi elles sont vides. C’est cela qui pèche vraiment. C’est à cette érosion de la foi, la tienne pourquoi pas, que tu devrais, Docteur, consacrer toute ta science d’apothicaire.