Nous sommes bien élevés, donc nous avons utilisé un couteau et une fourchette pour attaquer par le flanc, droit ou gauche, peu importe, cet empilement cylindrique de pain, de viande et de fromage coulant, plus communément appelé hamburger. Il n’y a les frites, dorées, grasses, à tremper dans de la mayonnaise ou du ketchup, qui appellent la main, geste prédateur enfantin qui seul permet de les apprécier.
C’est presque toujours comme cela et pour le même plaisir alimentaire que nous nous retrouvons à échéance régulière. Cela aurait pu être une salade niçoise, un bœuf bourguignon ou une pêche Melba ; avoir en commun un même objet de gourmandise crée d’emblée des conditions favorables à un excellent moment d’amitié. Ce sandwich, c’est le motif de ralliement, mais nous avons bien sûr d’autres intérêts à partager.
Nous passons en revue nos actualités respectives, entre deux bouchées, surtout celles à propos de la course à pied qui permet de justifier l’ingestion de tant de calories. Pourtant, aucune culpabilité ni culpabilisation : Fred et moi sommes d’accord sur cette dérogation au strict régime sportif, c’est l’entorse bienvenue pas excellence.
Un ami, un moment d’amitié, c’est peut-être cela : une parenthèse sans réticence, une possibilités d’être soi sans interrogation parce que sans jugement. Pour cela, un ami, il faut bien le choisir en amont, il faut se trouver, se retrouver dans l’autre. Bon lui, son hamburger compte trois steaks, le mien un seul ; question de gabarit, d’appétit et de puissance combustible. La communion en gourmandise installe un bon esprit, une parole fluide, libre, où ferraillent des plaisanteries aiguisées sur la pierre d’une histoire commune. Un ami, un moment d’amitié, c’est comme un bon repas, des ingrédients bien choisis, de qualité, en abondance, qui se marient bien ensemble.
Guillemette Callies 