
Cela n’a l’air de rien, mais cette petite breloque translucide est assez dangereuse. Il s’agit d’un « Négus », confiserie évoquée dans un billet en 2019. Cœur chocolat ou cœur café ; entre les deux le goût balance ou refuse de trancher. Les deux sont délicieux. Pour définir cette chose, on peut sommairement dire qu’il s’agit d’un caramel mou parfumé enfermé dans un caramel dur. Plus prosaïquement, cette douceur est un appât diabolique pour les volontés les plus résolues. Quand on est une gueule sucrée, résister est impossible, les pas retrouvent seuls le chemin vers l’adresse, rare, du fournisseur ; une caverne dans le XVIème arrondissement de Paris en l’occurrence.
Comble de l’ironie, cette adresse se trouve sur l’itinéraire du dentiste ! Le « Négus » est en la matière, dentaire, beaucoup moins dangereux que le Carambar. Loin de ce bonbon industriel, qui a quand même quelques mérites, c’est un art supérieur que de le déguster. Il faut le déposer côté plat sur la langue ; la chose a été conçue pour s’adapter parfaitement au palais. Ensuite, il faut le laisser fondre sans – presque – aucune aide ; c’est un travail totalement passif. Croquer serait une faute grave ; il faut tenir jusqu’à ce que la carapace de caramel dur cède d’elle-même et libère l’envahisseur caramel mou. Pendant tout le temps de l’opération, il est déconseillé de parler. C’est peut-être une parade à tenter avec quelques politiques voire avec tous les bavards ? Mais ce serait sans doute de la confiture aux cochons.
Ah ! La Rue de Longchamp ! Heureusement qu’ils sont vendus à l’unité ! Je n’en n’ai pris que quatre. Ce qui représente tout de même quatre fois quinze minutes de plaisir ; on ne peut pas dire que toutes les activités en procurent, pour si peu d’effort, aussi longtemps.
Pour justifier ce détour, et arriver l’esprit complètement léger chez mon dentiste, je lui ai acheté une minuscule boîte de quatre chocolats. En même temps que je la lui offrais, je lui fis l’article sur le « Négus » ! Cela s’appelle tenter de faire diversion. Peine perdue, il a demandé à voir les choses en question, cette manne potentielle pour sa profession. Intrigué, il a dit qu’il connaissait très bien le fournisseur et qu’il irait lui-même s’essayer à cet art neversois de la succion.
J’ai compris aussitôt les ressorts de la constante bienveillance et indulgence de ce praticien à l’égard de ses patients et de leurs dents. Il est comme, voire pire, qu’eux ! Il est gourmand un point c’est tout ; « un point Négus » très prochainement !