Travail réalisé en atelier d’écriture avec des compagnons de la nuit, ceux qui n’ont pas forcément d’abri. « C’est long le silence quand on est petit » en fut la proposition.
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C’est long le silence quand on est petit. Un long passage avant de s’aventurer dans le pays des rêves, un moment d’équilibre entre le livre d’images lu à la lueur douce de la petite lampe de chevet, douillettement calé contre l’oreiller, et le sommeil.
Le silence s’installe doucement, au fil de la concentration sur l’enchaînement des mots et des dessins. Tout ralentit, tout s’engourdit, la lecture installe le calme qui, à son tour, fait le lit du sommeil. Les yeux battent des cils, le décor s’estompe. Une petite main s’allonge à tâtons, attrape l’interrupteur et coupe la lumière. L’ombre étire son rideau. Le corps se relâche petit à petit, complètement, alors que quelques sens résistent encore un peu.
L’œil, privé soudain de lumière, joue à deviner les formes étranges créées par le contraste. Une fois habituées à l’obscurité, fatiguées, les paupières se ferment et l’ouïe prend le relai. Le silence est presque complet, sauf quelques bruits dans la maison, des rumeurs dehors. C’est amusant d’en chercher la cause ou les auteurs ; une quête flottante. Ce l’est encore plus en été, fenêtre entre-ouverte, à la campagne, à la montagne ou en bord de mer. Passent les hululements, tintent les clarines lointaines et roule le ressac comme une berceuse.
Il est long ce silence animé, mais petit, même grand, on l’aime. Il est comme un baume qui délasse de la journée. Chaque son, chaque sensation, chaque pensée prend une valeur de trésor secret que l’on va emporter pour traverser la nuit. Le silence, la pénombre : premiers pas d’un voyage de quelques heures ; amarres larguées une par une ; navire à la dérive ; esquif léger poussé par la brise des songes.
Guillemette Callies 