
Guiying est une femme, longtemps battue et maltraitée au point d’en être devenue incontinente. Ma est un homme mûr, dernier d’une famille, célibataire, méprisé par les siens. Les familles décident de marier ces deux laissés-pour-compte et par-là, de ne plus en avoir la charge.
Le titre original du film « Le retour des Hirondelles » est « Retour à la poussière » : histoire d’un monde rural qui se défait, qui s’efface sous la pression d’une Chine moderne qui favorise les trafiquants et les profiteurs. La poussière, c’est la matière broyée au plus fin : la terre, les plantes, les bêtes et les hommes. En contrepoint de cette inexorable mécanique, un tableau puissant, doux, émouvant du temps rural, de l’écoulement des saisons. Servie par une photographie et une lumière précises, se dessine, touche par touche, la tendresse tissée entre deux êtres qui jusque-là n’avaient connu que mépris, moqueries et négligence.
Une grande sensibilité compose la naissance de cet amour, parfaitement gratuit, entre un homme et une femme à qui la vie a appris la force des petites choses, des petits gestes, des petits évènements et des petites grâces de la vie. Comme, après avoir été chassés d’une première maison par des spéculateurs avides, en reconstruire une autre, la leur, à leur idée, à la force de leur bras, sans rien en devoir à quiconque sinon à la complicité de leurs deux âmes qui connaissent la valeur d’un toit, de murs qui abritent et protègent de la brutalité d’un monde constamment en branle, jamais satisfait du présent, aveugle aux beautés simples.
L’amour pur est possible, même au cœur d’un monde qui marchandise tout, même le sang de Ma, pour sauver un puissant.
« Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. » (Mt 5, 8) N’être pas beau, n’être pas populaire, n’être pas brillant, n’être pas cupide, sont des atouts aux yeux du Ciel, mais des tares aux yeux des hommes de peu de foi qui se vendent, et tout leur univers avec, pour quelques mètres carrés de salon dans les étages d’une tour stérile. Au fil des rudes travaux des champs, l’amour s’immisce dans le couple qui nous offre une parenthèse enchantée où renaît une beauté à laquelle on ne croit plus. Ce film est un chant nostalgique, solastalgique, un chant d’adieu et de retour à la poussière d’un monde qui ne laisse plus aucune part au fragile, à l’évanescent, à la pureté.