« Flâneries 2023 » – # 69 – « Tout reprendre »


« J’ai vingt-deux ans ma Mère. Et je suis votre Roi. » Sortie qui clouera le bec d’Anne d’Autriche, veuve de Louis XIII. La veille, le 9 mars 1661, le Cardinal de Mazarin, parrain de Louis XIV, rendait son âme à Dieu. Ces quelques mots suffisent à donner la trame du film de Roberto Rossellini, tourné pour la télévision en 1966 : La Prise de pouvoir par Louis XIV.

Ce film, tourné avec très peu de moyens, a mal vieilli. Il est même passablement ridicule à regarder quand on le compare avec Le Roi danse de Gérard Corbiau, daté de 2000. Il peint pourtant avec minutie ce moment de bascule, non seulement dans le cours de la vie d’un jeune homme de vingt-deux ans, mais surtout dans le cours de l’histoire de France.

Timide, gauche, crédité d’une intelligence au-dessous du médiocre, le fils de Louis XIII n’était pas pris au sérieux sinon pour son assiduité à la guitare, à la chasse et à la danse. Longtemps escouillé par une mère tyrannique, colérique et brutale, ce sont peut-être les derniers mots échangés avec son Ministre Mazarin qui permirent au jeune souverain de rassembler ses forces secrètement bridées. Il refusa, au nom de l’État, de la Couronne, l’héritage colossal de son parrain, alors l’homme le plus riche d’Europe, pour que jamais personne ne puisse dire que le Roi dût sa fortune à l’un de ses sujets. Ce dont le Cardinal le félicita en déclarant : « Ah, Sire ! Vous serez un grand Roi. Je meurs content car vous êtes en état de gouverner vous-même. » Que serait-il advenu si une telle catharsis ne l’avait pas libéré, extrait de ses atermoiements de jeune roi ; de jeune homme tout simplement.

Il en a fallu du cran pour se présenter de bon matin devant les Grands, devant sa mère pour décréter : « Messieurs, je vous ai fait assembler pour vous dire que je prétends désormais gouverner mon État moi-même. M. le Chancelier et M. le Surintendant ne signeront plus d’arrêt ni d’ordonnance de comptant sans m’en avertir auparavant, et les secrétaires d’État ne délivreront pas une seule expédition, je dis jusqu’à un passeport et une ordonnance de 100 écus, sans en avoir reçu préalablement mes ordres. Si quelqu’un de vous, messieurs, a quelque chose à dire, il le peut faire librement, et si on trouve la moindre chose à redire à ma conduite, j’entends dans les formes de justice que je n’ai pas encore eu le temps d’apprendre, j’écouterai volontiers les sages avis et les bons conseils de mes fidèles serviteurs ».

Et dès lors, un sujet après l’autre, pas à pas, tout reprendre et tout mettre à sa main. Faire de ses ennemis des spectateurs passifs, réduire le nombre de voix contraires à ses intérêts, assigner à chacun une place.

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