
La théologie est loin d’être une procrastination stérile de monastère sombre et coupé du monde ; bien au contraire. Réfléchir le monde au travers de la Tradition chrétienne, catholique, à travers la Parole de Dieu, n’empêche aucunement de s’ouvrir à des connaissances, des traditions, des systèmes de pensée différents, souvent même étrangers. En ce sens, la théologie chrétienne ne cesse d’évoluer, de s’interroger, de se remettre en question pour rester contemporaine de son environnement.
Dans Théologie de l’écologie – Une création à partager, le Père jésuite François Euvé plonge justement dans l’inquiétude majeure de notre temps : l’écologie. S’appuyant sur la thèse de l’historien américain Lynn White, développée dans une conférence prononcée en 1966 et publiée dans la prestigieuse revue Science, qui ciblait le christianisme comme la religion la plus anthropocentrique qui soit, ce théologien confronte la tradition biblique, l’histoire et les courants de pensée pour rétablir une certaine clarté dans la relation entre Dieu, l’homme et la nature. Il a pour objectif de nous faire connaître les schémas anciens pour encourager la capacité qu’à chacun d’entre nous à initier des processus nouveaux et à éviter ainsi à la répétition, la perpétuation des erreurs du passé.
Ce faisant, tout l’exposé nous invite à un remaniement intellectuel, moral et psychique, à une révolution anthropologique sans pour autant rejeter ni renier un héritage chrétien qui, de la Genèse à Saint François d’Assise, Thomas d’Aquin et François II en passant par Aristote, montre que le christianisme n’est pas intrinsèquement prédateur. Tout son travail consiste à remettre nos idées en ordre de marche et Dieu, sa Parole, au milieu et comme horizon de notre route.
Quant au septième jour, Dieu met un terme à son action, il propose à l’homme le principe de limitation. S’il veut être à Son image, l’homme doit lui-même mettre un terme à son travail, limiter son activité, mesurer ses prédations. Ainsi envisagée, l’idée de croissance illimitée et continue devient une erreur complète. François Euvé nous explique comment tendre vers un mode de relation qui respecte tous les ordres : celui de Dieu, celui de la nature, celui de nos frères. « L’homme est créé pour être le partenaire de Dieu, disposant d’une autonomie qui lui permet de subvenir par lui-même à ses besoins. Le partenariat confère à l’homme une grande responsabilité, celle d’exercer sa domination comme Dieu l’exerce lui-même, avec douceur et retenue. » Le geste d’emprise s’oppose à la douceur et à la retenue, c’est une attitude de domination qui freine toute possibilité de fraternité authentique, empêche toute inscription éthique, dialoguée, avec la nature, création divine.
François Euvé n’oublie pas Laudato Si du Pape François II qui, dans cette encyclique, rappelait que dans la Maison commune qu’est la Création : « tout est lié », faisant écho au discours de Paul VI en 1970 devant la FAO : « tout se tient » ; que Dieu n’a rien créé en vain, que « la nature n’a pas été créée seulement pour satisfaire les besoins matériels de l’espèce humaine mais aussi pour servir ses requêtes spirituelle et morales. Sans cette prise de conscience, l’homme saccage lentement mais sûrement toute estime de lui-même et ne peut ainsi pas prétendre à un changement durable de son style de vie.