« Flâneries 2023 » – # 86 – « L’appel de Vercors »


C’est assez simple, quand il y a un incendie, il faut combattre le brasier dans son ensemble, mais aussi traiter son origine et surtout ce qui l’attise. En France, en mars 2023, l’incendie, c’est ce que les plus inconscients appellent des jacqueries, ce que les plus réalistes appellent une révolution en germe. Oui, la France est au seuil du feu et du sang, mais ce ne sont plus seulement ceux qui les allument et les alimentent qu’il faut craindre, c’est surtout ceux qui, silencieux, qui, comme le peint si bien Vercors dans Le silence de la mer : « sentent en eux-mêmes se gonfler leur cœur de dégoût, devant quelques nouvelle marque de la funeste insouciance de ces hommes en qui le pays a cru trouver des chefs[1] ».

Oui, la France, celle des hommes et de femmes pour qui les mots de fierté de la patrie résonnent comme un sentiment plus noble que celui de nationalisme, souffre de ces politiques de peu de courage et de particulièrement peu d’amour et de loyauté envers leur pays, pour qui les succès d’un jour tiennent lieu de conscience en repos. En son for intérieur, et c’est bien là les germes, les combustibles, les accélérateurs du foyer révolutionnaire, la France sait qu’on la traite mal, qu’on l’humilie de l’intérieur, qu’on la raille à l’extérieur, qu’on vend ses richesse à l’encan, qu’on dépèce les racines de son Histoire, les trésors de sa personnalité, les originalités de son caractère, le cœur de ses valeurs, que l’on méprise ses talents humbles autant qu’audacieux ; tout le propre de son génie.

Toujours à citer Vercors dans Le silence de la mer, le pays a l’intuition de cette sentence : « nous avons l’occasion de détruire la France, elle le sera. Pas seulement sa puissance : son âme aussi. Son âme surtout. Son âme est le plus grand danger. C’est notre travail en ce moment : ne vous y tromper pas, mon cher ! Nous la pourrirons par nos sourires et nos ménagements. Nous en ferons une chienne rampante.[2] »
Ces mots, dans la nouvelle de Vercors-Jean Bruller, sont prononcés par un envahisseur allemand pendant l’Occupation du pays lors de la Seconde Guerre mondiale. Mais ces mots, aujourd’hui, les Français ont le sentiment, plutôt raisonné et délibéré, qu’ils se matérialisent quotidiennement dans la doxa et les actes de leurs propres dirigeants.

Alfred de Vigny disait : « Les Français sont satisfaits à peu de frais, un peu de familiarité dans les manières leur semble l’égalité. » Mais de ce tempérament débonnaire, bonhomme, les « Grands de France » en font de la charpie. Et c’est contre la destruction de ce qui fait leur âme que les Français se dressent. Ces « Grands de France », ces grands broyeurs du génie hexagonal, ne mesurent pas la puissance de cette « résistance digne, calme, silencieuse, qui ne ressemble pas à de la colère », mais qui érige un mur solide contre leurs projets de grand effacement de l’âme française.
Ils regardent le cœur du brasier, ces black-blocs, infiltrés par la lie activiste nationale et mondiale, mais oublient de prêter attention à cette partie du pays qui refuse sourdement de se soumettre à des projets de lois dont ils connaissent le fallacieux, le partisan, le fourbe de la base théorique et dont ils mesurent qu’ils vont détruire des siècles de bons sens paysan, ouvrier, bourgeois, aristocrate, de panache, de bravoure, d’ordre adapté à leur tempérament, de science et de conscience d’une logique innée bien plus fraternelle, solidaire, durable et écologique que n’importe quelle faction insoumise, identitaire, que n’importe quel apparatchik ou consultant ne pourrait la concevoir.
Les Français seraient satisfaits que l’on cesse de leur présenter un miroir dégradant de leur mémoire, de leurs Histoire et de ses Hommes illustres, que l’on recentre l’École sur leur culture propre, sur leur morale judéo-chrétienne, que l’on respecte leurs paysages, leurs villages, leurs clochers, leurs Armées, saccagés à coups de panneaux solaires, d’éoliennes, de mosquées, de canons César bradés. Ils ne veulent plus de milliards d’aides sociales injustifiées, ils ne veulent plus de milliards d’aides distribuées à l’étranger ; ils veulent que l’argent de leur travail servent d’abord l’intérêt général, la solidarité nationale, la sécurité collective, la pérennisation et la sauvegarde de leurs terroirs et de leur Patrimoine, leur contrat social, leur art de vivre, le rayonnement de leur pays. Ils ne veulent plus de saupoudrage budgétaire ineffectif, ils veulent l’arrêt du « rinçage de la modernité »[3], le retour du petit, du près, du lent : des petites lignes ferroviaires, des services publics, des tribunaux de proximité, des gendarmeries, des médecins, des épiciers.

Les Français vomissent d’être assimilés au reflet déplorable que renvoie leur classe politique, – un Président bituré dans les dancings de Kinshasa, une députée en jean troué à l’Assemblée -, que déforme la déferlante idéologique venue d’outre-Atlantique, que pervertit une taqîya que de faibles résistances peinent à dissimuler, – le député Frontiste du Vaucluse, Joris Hébrard, vient d’inaugurer en grande pompe un mosquée d’obédience turque au Pontet -, que vérolent des modèles de gouvernance empruntés à des cultures, à des traditions, à des généalogies, à des éthiques qui ne sont pas les leurs. Ils ne veulent plus que l’on fonde leur avenir sur la matière sordide de leurs culs de basse-fosse mais sur celle de l’or de leur âme, de leur Histoire, de leurs grands Hommes, de leur génie.

C’est assez simple, pour ne pas avoir à éteindre un incendie, il faut d’abord songer à ne pas l’allumer, il faut surtout en premier lieu éviter de créer les conditions de son embrasement : débroussailler, soit débarrasser le pays de tout ce et de tous ceux qui la dénaturent, soit permettre à ses meilleures essences de reprendre vie et force. Oui : Corse, Guyane, Bretagne, Morvan, Savoie, Somail, Sologne, Ardennes ; la France « c’est une draperie très précieuse qui commence à se déchirer. Mais c’est un miracle de composition de finesse, de couleurs, d’acidité, de lumière. C’est un miracle permanent. »[4]. »

Boutons les incendiaires ! Si vous percevez un appel, alors sentez-vous appelé. L’Armée des Ombres, des silencieux, c’est chacun de nous, que nos moyens soient modestes ou grands ; c’est notre travail : celui qui ne doit plus attendre.

[1] Jean Bruller, dit Vercors ; « Le silence de la mer », Éditions de Minuit – 1942

[2] Jean Bruller, dit Vercors ; « Le silence de la mer », Éditions de Minuit – 1942

[3] Christian Bobin ; « Dernière conversation en Saône-et-Loire » ; Revue des Deux-Mondes – Avril 2023

[4] Christian Bobin ; « Dernière conversation en Saône-et-Loire » ; Revue des Deux-Mondes – Avril 2023

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