
Avec un peu d’imagination, c’est au film de Ritesh Batra, « Lunch Box », sorti en 2013, que l’on pourrait relier le nouveau rituel rendu obligatoire par la flambée des prix : préparer sa gamelle chaque matin. Cela projetterait des images d’une Bombay grouillante, où d’ingénieux dabbawallahs, les acrobates de la livraison, transportent chaque matin près de 200 000 dabba des foyers où ils sont préparés aux lieux de travail des employés de bureau.
Insupportable ! Payer plus de 12 euros pour une piteuse salade à peine nourrissante est devenu insupportable. S’offrir le tout présenté dans des contenants et emballages en plastique non recyclables, quand la capitale déborde de tous nos déchets n’est plus envisageable.
Alors, chaque soir, chaque matin, – cela s’apprend -, se travaillent une ingéniosité oubliée, une créativité atrophiée, des talents culinaires négligés ; c’est le retour de la gamelle. Riz, pâtes, lentilles, semoule ; concombre, betterave, olives, poivron : défilé d’ingrédients autour du filet de poulet, de la tranche de jambon ou de l’œuf dur.
Pas d’erreur de livraison possible, pas de bel homme au foyer pour mitonner un petit plat parfaitement assaisonné, justement épicé. Pas de mot doux glissé sous le couvercle en inox. Non, que sa pauvre carcasse doublant les portions pour les répartir : une dans l’assiette, l’autre dans la boîte hermétique.
Métro, boulot, dodo ; gamelle à préparer avant boulot, gamelle à rincer au boulot, gamelle à rapatrier dans le métro. En 40, on se disait glorieusement : « c’est toujours ça que les boches n’auront pas ! », en 2023, on se dit piteusement : « c’est toujours ça que mon porte-monnaie ne perdra pas ! ». Changement d’époque et drôle de combat !