
Le rythme de son chant peut rappeler le code Morse : trois coups courts, un coup long et toutes ses variations possibles. « Voud-oup » ; sur la fiche consacrée à l’upupa epops dans mon vieil atlas illustré des oiseaux, 1963, c’est ainsi qu’est phonétisé le cri de ce volatile qui retient mon admiration. Pourquoi y penser soudainement ? Simplement parce que, dans la jungle abrutissante des réseaux sociaux, quelqu’un a eu l’heureuse idée de publier une photographie très valorisante de cet upupidé dont il faut préférer le nom commun : huppe fasciée. Cette image m’a rappelé la première de deux rencontres, fréquence rarissime tant cet oiseau fuit l’homme, que j’ai eu la chance d’avoir avec ce spécimen.
La première fois, c’était il y a longtemps, dans les Deux-Sèvres, département séculairement calme hors période de bassines, doucement vallonné, ourlé de charmantes haies et semé de jolies maisons de calcaire clair aux volets rouge lie-de-vin ou vert amande, que personne ne peut aisément situer sur une carte et dont personne ne sait citer la moindre ville sans caler.
La campagne est tellement belle là-bas, rien ne heurte le regard ni n’afflige l’oreille. Les villages sont sereins, proprets ; la part est faite belle aux tourterelles, aux torcols, aux rousserolles et autres pipits.
Petit matin de printemps, marche vive, lumière éclatante, à peine le léger crissement de mon pas troublait-il cette harmonie. C’est son vol papillonnant qui avait attiré mon regard ; celui-ci est inimitable, inimité ; reconnaissable entre mille. Il devait nicher dans le périmètre d’une jolie vigne bordée de murets de pierres plates.
La seconde fois, j’ai cru à un rêve, à une hallucination. Là, assise dans mon jardin, en région parisienne, encore au printemps, alors que j’avais les yeux dans le vague, un livre en rade sur mes genoux, tombé des mains car certainement ennuyeux, son vol haletant si caractéristique m’a tout de suite rappelé à quoi j’avais affaire. Médusée, je ne comprenais pas comment ce frêle esquif aérien avait pu voyager jusqu’ici.
C’est à cause de ses bandes noires sur fonds grège qu’on le nomme « fasciée ». Il rabat sa huppe dès qu’il est posé, sur un tuteur de vigne, sur l’arrête d’une pierre, sur une bande herbeuse.
Voilà une simple évocation, en rien d’extraordinaire, mais ô combien poétique, qui achève une journée sans éclat, sinon celui du printemps qui s’en donne à plein, même au cœur de cette tumultueuse capitale.