
C’est une chose rare que de trouver encore, sagement en attente, docilement alignée, une religieuse au chocolat avec un collet parfait, une jolie fraise de crème au beurre entre la coiffe et l’habit. Il n’y a plus que quelques pâtisseries à les offrir ainsi dans leur plus simple appareil, celle de la pure gourmandise, de la tentation irrésistible. Les habitués de ce péché mignon ont l’œil parfaitement expert pour distinguer l’excellence de la supercherie ; ils repèrent facilement les revisites hasardeuses, pompeuses, qui cachent souvent une faible maîtrise de la pâte à choux, annoncent un danger de crème pâtissière trop épaisse, trop lâche, voire grumeleuse, peut-être fade, trop sucrée.
Celle-là, qui a trouvé sa raison d’être au milieu de mon assiette, celle de se prêter au sacrifice du couteau et de la fourchette à dessert, pour livrer dès la première bouchée tous ses plus secrètes vertus, était revêtue des plus beaux atours de l’artisanat, avait la silhouette idéale du tour de main maîtrisé, brillait de toute la pureté de son glaçage chocolat. Ses défauts, ses irrégularités, son embonpoint constituaient tout sa grâce et la rendaient appétissante au plus haut point.
Il m’aura fallu, disons, tout cumulé quarante secondes : un bref regard, un seul coup de couverts, une seule bouchée, pour goûter cette merveille, vérifier une intuition et accorder un plébiscite sans réserver et à l’artiste et à l’œuvre.