
Au bord du chemin, suspendue dans les airs, la main menaçante d’un fantôme criminel s’élance à la rencontre de sa proie. Elle heurte de face le regard flou du passant tout à son effort ou tout à sa rêverie. Bras invisible, manchot à la recherche de sa moitié manquante, spectre surpris par le jour ; toutes sortes de scénarios sont possibles.
La tension musculaire se perçoit sous le gant de cuir fauve, tanné par l’usage, peut-être par la saisie d’un grand nombre de proies ; lesquelles ? Des marbrures plus sombres marquent les zones de pression pour contraindre, là un bras, là une bouche tordue pas des cris d’épouvante, là tout un corps en lutte contre la capture. Le poing est à l’affût, en attente, sa teinte se confond avec celle des ramures, comme une feuille froissée par les saisons, oubliée par l’automne, figée par l’hiver. Il est prêt à bondir, à saisir, à prendre à la gorge.
Un grand nombre de proies ; lesquelles ? Quelles sont ses victimes de prédilection : promeneur, vieillard, coureuses à pied, grand brun, blonde, petite rousse, silhouette potelée ? Toute sorte d’horreurs semblent possibles. Le poing solitaire, figé dans une pose, happerait, harponnerait au vol sa proie par surprise, comme le caméléon qui éjecte sa langue en une fraction de seconde ; le droitier, en éclaireur, empoignerait sa victime, la traînerait sanglante et agonisante dans son repaire où le gaucher n’en ferait qu’une bouchée.
Tout cela reste en l’air, prête à l’imagination la plus folle : ce n’est pas, ce n’est plus un simple poing en suspension, c’est le gant du crime. C’est la folle équipée imaginaire d’un gant égaré.