
De la loyauté. Aujourd’hui, une personne a prononcé ce mot et, comme souvent, le sens qu’elle semblait vouloir lui donner dissonait du contexte dans lequel elle le plaçait. Une recherche dans un système de ressources m’a permis de le situer dans sa proxémie linguistique, les synonymes les plus proches et fréquents étant droiture, franchise, ses antonymes immédiats, perfidie, trahison. La plupart du temps être loyal, faire preuve de loyauté, sont entendus dans un sens archaïque qui valorise la notion sans que celle-ci soit réfléchie. Un tu n’es pas loyal résonne souvent comme un tu n’as pas agi comme je le voulais ou comme je l’attendais. Souvent, en face, l’accusé de ne pas être loyal, n’identifie pas ce à quoi il a dérogé.
Entre son apparition sous la graphie leial dès la naissance de la langue française et son usage contemporain, loyal a perdu son ancrage étymologique latin avec legalis, du domaine du respect de la loi, pour renvoyer aux relations personnelles avec autrui. Si le premier sens repose sur l’écrit et l’obéissance à la loi, le plus récent entend des relations non médiatisées par un pouvoir supérieur, celui de la culture orale. Il ne s’agit pas, manquant de loyauté, de constituer un délit ou un crime, mais de trahir au prix du déshonneur.
À l’aune ces considérations de base, dans la situation d’aujourd’hui où a été prononcé le mot loyauté, ce qui a provoqué un hiatus, une rupture dans une logique, c’est que, comme accusation, il s’ancrait dès l’origine dans une situation de mensonge. Un donneur de leçon qui ment et invente des faits ne peut lancer à la face de son interlocuteur des reproches pour manque de loyauté. Le dénonciateur n’a pas tenu compte de son vis-à-vis en tant que personne concrète, mais a d’abord cherché à organiser les faits de manière à recréer une antériorité plus adaptée aux reproches puisque la relation ne lui a pas apporté le résultat ou la soumission escomptés. On change les paramètres et ainsi l’erreur ou la faute peuvent être attribués à l’autre ; cela s’appelle une défausse ou un déséquilibre de la « balance de justice ».
Pour que puisse émerger la notion de loyauté, il est nécessaire que son contraire, la trahison, soit pensable. Or dans une relation de confiance, d’amitié, de confidence, la trahison n’est pas envisagée. Il suffit que l’une des parties modifie la nature de la relation pour que les paroles et les actes puissent être qualifiés déloyaux. Encore pris sous un autre angle, cela s’appelle manipulation de la vérité ou manipulation d’autrui.