
« Saint-Germain est le château dont le prince est un enfant. » Ainsi le docteur Héroard, médecin ordinaire du Dauphin Louis XIII, résumait-il dans son Journal, la vie au Château-Vieux de la forêt de Laye. En effet, la plupart des enfants royaux, Henri II, Charles IX, Louis XIV y sont nés et, ou, y ont été élevés ; en partie pour échapper à l’air pestilentiel du Paris de l’époque et aux intrigues du Louvre. Prendre pied dans la cour intérieure transporte dans un décor étonnant. L’usage de la brique comme feston des grandes lignes du bâtiment pentagonal, le contraste de sa couleur avec celle de l’architecture environnante, à commencer par le donjon de Louis VI le Gros et la Sainte Chapelle de Louis IX, la vivacité de cet ocre opposée à un terne ciel nuageux, pousse une impression de décor de théâtre. Le visiteur ne serait pas surpris de voir apparaître des comédiens, des chanteurs, des bateleurs. Mais il s’agit avant tout d’un théâtre royal.
Les fils de rois, Valois, Capétiens, ne connaîtront pas longtemps leur père. Saint-Germain, dans la plupart des cas, sera cependant, ces courtes années de vie commune, l’écrin d’une enfance protégée. Henri IV semblait jouer à porter son petit Louis sur son dos, se montrant ainsi, autant qu’il l’était possible à un monarque de l’époque, un père affectueux. D’ailleurs, le docteur Héroard ne manquera pas de consigner dans son méticuleux Journal, combien Louis XIII aimait son père et quel choc affectif ce fût pour lui de le perdre en 1610, alors qu’il n’avait que neuf ans. Le 17 mai, soit sept jours après cette perte, le docteur Héroard rapporte ses propos à sa nourrice qui s’inquiétait de le voir longtemps rêveur : « Dondon, c’est que je voudrais bien que le Roi mon père eût vécu encore vingt ans ». Dans le cadre presqu’intime du Château-Vieux, dans ce décor Renaissance, très à l’italienne, Louis XIII échappera un peu à la dureté de sa mère, Marie de Médicis. Il sera très proche de sa sœur Élisabeth, cuisinant pour elle, sur un petit réchaud, des œufs mêlette. La séparation d’avec sa cadette, en novembre 1615, sur la rivière Bidassoa, elle partant épouser Philippe IV d’Espagne, lui accueillant Anne d’Autriche pour en faire sa femme, sera un nouveau déchirement.
Il fallait sans doute ce décor bien tendre, la gaîté de la campagne et de la forêt de Laye, pour préparer un enfant à devenir un souverain. À l’âge de sept ans, les enfants royaux passent du gouvernement des femmes à celui des hommes. En 1608, le petit Louis quitta d’abord l’habit d’enfant pour « le pourpoint et chausses, (…) le manteau et l’espée » puis en janvier 1609, « guaiement, a sept heures trois quart, entre en carrosse, d’œil sec et part de Saint-Germain-en-Laye pour aller à la court, entrer aux mains de M. de Souvré ».
Il reviendra souvent à Saint-Germain pour ses propres enfants et pour y mourir en 1643.