
Les enfants savent tout, comprennent tout, pèsent le comportement des adultes avec un système de jugement très pur, composé de jauges très simples : tous les petits gestes du quotidien qui sont autant de preuves d’attention, d’attachement et d’amour. C’est en substance ce que raconte le film The quiet girl de Colm Bairead. Des images et une photographie superbes qui jouent toutes les nuances de vert de la campagne irlandaise, dans un cadrage à hauteur d’enfant, quelques notes de piano égrainées en accord avec les émotions, comme pour mieux souligner la légitimité du mutisme de la petite Cáit. Tous ces détails accompagnent un récit intimiste, tendre et poétique qu’accentuent les dialogues en gaélique.
Dans l’Irlande rurale des années quatre-vingt, Cáit, une fillette d’une dizaine d’années, effacée jusqu’au mutisme parce que délaissée par des parents en naufrage, parce que moquée pour ses retards autant par sa nombreuse fratrie que par ses camarades de classe, est envoyée le temps des vacances d’été, vivre chez un couple de lointains cousins, fermiers en pleine campagne. Eibhlín et Seán Cinnsealach trouvent dans l’accueil de cette enfant une ressource pour surmonter le deuil récent de leur propre fils. Au fil d’une vie rythmée par les tâches domestiques et agricoles, d’un quotidien fait de gestes ordinaires, de soins maternels, de petits jeux rituels paternels, reprend vie une tendresse conjugale moribonde et s’éloignent d’une petite fille toutes les meurtrissures causées par des parents négligents.
En surplomb de ce récit tout en délicatesse, deux adultes admettent et comprennent le silence de cette enfant en ce qu’il est, pour eux-mêmes, un baume contre la douleur de blessures intimes, profondes et refoulées, celles du deuil, celles de l’isolement affectif, qui conduisent, sans secours actif, au renoncement.
« Tu n’es pas obligée de dire quelque chose. Pense que la parole n’est une nécessité en aucune circonstance. Nombre de gens ont beaucoup perdu pour la seule raison qu’ils ont manqué une belle occasion de se taire. » L’été se termine, Cáit est reconduite chez ses parents et alors son silence devient plus éloquent que n’importe quelle parole : elle a été choyée, entourée deux mois durant et c’est ce qui l’aura sauvée.
[…] en parlent aussi : Les Boggans. Guillemette Callies. Dois-je le voir ?. Cinéfilik. Madame fait son cinéma. […]
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