« Mais ! Où c’est qui va ? » Et que je t’agrippe à la volée, et que je te secoue un peu, et que je te retourne pour te coller assis au fauteuil. Pas de raclée, il y a du monde autour. Elle est pas passée loin quand même ! Perte de maîtrise : juste ce qu’il faut d’impatience pour provoquer un tonnerre de pleurs et que tout le wagon tourne les yeux vers la scène.
Deux cousins, à la louche cinq et trois ans. Une mamie à l’air pourtant jeune, grisonnante, assez potelée ; beaucoup de laisser-aller. Pour prendre le train de six heures trente, tout ce petit monde a dû se lever vers quatre heures et demie ou cinq heures. Pas de petit-déjeuner, pas d’eau, pas de jeu, pas de conversation, pas de crayon, pas de livre. Juste deux tétines, un dessin animé sur une tablette et une grand-mère dont ce n’est vraiment pas le truc, les petit-fils. « Mais non ! C’est pas à Marseille qu’on va ! » Ennui, inconfort, crescendo vocal, provocations mutuelles ; alors, forcément, il ne faut pas longtemps pour que ce ne soit plus exactement des enfants, mais plutôt de futurs agités, bientôt les petits singes dissipés d’un trajet de quatre heures.
Le plus petit, parti pour faire le zouave sur le dossier de son fauteuil, remporte le prix des nerfs qui lâchent. À ce jeu, la grand-mère ne fait pas un pli, elle y va franco de la voix. Le bambin, pas ingrat du sort secoué qui lui est fait, dégoupille ses meilleurs cris et ses plus grosses larmes. Prise sous le feu croisé et nourri des regards indignés, la coupable bat en retraite et tente les bras plein de tendresse.
Le môme hésite, hésite encore ; ses cris ont cessé, ses pleurs se calment. Mais, combattant de peu de ressources et de peu d’endurance, répondant à l’appel du cœur il cède aux bras ouverts.
Soulagés, parfaitement synchrones, les voisins respirent.
Guillemette Callies 