
Simple bourgeon, digne d’admiration. On peut se moquer de soi-même, se dire qu’alors que le monde pousse ses bombes et ses sanctions le long du Dniepr, que l’on racle le cobalt et les métaux rares dans les sols les plus fragiles pour quelques batteries inutiles, la contemplation, attention spontanée aux choses dignes d’admiration, est un travers bien inutile. Victor Hugo porte haut cette suspension de l’esprit, cette dévotion fugace aux dons que le Ciel dépose sur nos chemins. « La contemplation m’emplit le cœur d’amour. » Dans un poème intitulé Aux arbres, le poète décline sa passion pour cet état d’émerveillement, particulièrement au cœur des forêts.
« Vous m’avez vu cent fois, dans la vallée obscure,
Avec ces mots que dit l’esprit à la nature,
Questionner tout bas vos rameaux palpitants,
Et du même regard poursuivre en même temps,
Pensif, le front baissé, l’œil dans l’herbe profonde,
L’étude d’un atome et l’étude du monde. »
Contempler une ramure au printemps, ses bourgeons en différents états, c’est bien étudier le petit, l’atome, et la puissance du monde hors l’homme, l’éclosion, cet effort victorieux sur l’hiver. Le printemps délivre.
« Quand je suis parmi vous, arbres de ces grands bois,
Dans tout ce qui m’entoure et me cache à la fois,
Dans votre solitude où je rentre en moi-même,
Je sens quelqu’un de grand qui m’écoute et qui m’aime. »
Inscrit dans le recueil Les Contemplations, dans le livre Les luttes et les rêves, ce poème rappelle aux belliqueux et aux avides, leur violence et leurs fautes, aux âmes songeuses leur douceur et leurs mérites. Les seconds sont les contrepoids des premiers et ce sont peut-être auprès d’eux que le petit et le monde retrouveront un avenir prospère. Au printemps, le bourgeon change de costume et retrouve la liberté. Dans sa rêverie, l’homme change d’humeur et se délivre de « toute pensée amère ».