Le château de Versailles attire les foules du monde entier, cela ressemble parfois, avec les points de rassemblement les plus compacts, à une foire ou à une cour des miracles. Il faut un peu d’imagination pour s’extraire, autant physiquement qu’en esprit, de ce tumulte. La musique, propulsée par des enceintes dissimulées dans les haies, y aide un peu.
Louis XIV, dans ses Mémoires pour l’instruction du dauphin, précise la Manière de montrer les jardins de Versailles. Ce sont des instructions précises pour ménager les effets et les surprises, appréhender les bassins, fontaines, jeux d’eau et statues sous tous leurs angles. Musique en fond d’ambiance, pas mesuré, abstraction complète des badauds : « on tournera autour du Dragon, et l’on fera considérer les jets et la pièce de Neptune ».
Toute l’exubérance du printemps et la majesté des lieux se reflètent dans le bassin. Dragon percé d’une flèche, quatre petits Amours sur des cygnes ; deux d’entre eux lui font face mais cachent leur visage, marqué par la peur, avec leurs mains ; deux autres l’attaquent. Ces quatre amours symbolisent Apollon qui terrassa le dragon Python lancé par Junon à la poursuite de Latone, enceinte de Jupiter.
Un peu de Lully avec une Marche pour la cérémonie des Turcs, un peu de Montéclair, un peu de Rameau, ses Forêts paisibles, le tempo des tambours indigènes : aussitôt l’imagination, machine à remonter le temps, transporte loin, change le vêtement, renouvelle le vocabulaire ; c’est une autre foule, à perruques et colifichets, qui s’impose. Au rythme royal, il faut poursuivre la marche, le début de l’histoire de Latone, de ses enfants Diane et Apollon, qui est à admirer au bassin éponyme.
Guillemette Callies 