
Est-ce que les morts entendent nos louanges ? C’est une question à se poser au château de Versailles, à se poser à chaque fois que l’on visite un monument ou un lieu de l’Histoire, l’un de ces nombreux prodiges de la créativité, de l’ingéniosité et du sublime humains.
Pour être toujours surpris, il faut faire varier ses jours, ses horaires, ses saisons, ses programmes de visite. Choisir, tant la merveille est vaste, de l’aborder à chaque fois par une pièce différente, à l’occasion d’une exposition, pour admirer la restauration ou l’acquisition d’une pièce. Ce jour, c’est un hommage au Caravage et aux tableaux qui ont orné, et ornent toujours, la chambre de Louis XIV, qui a servi de prétexte. La météo a fait le reste pour l’inspiration de dernière minute.
Au bénéfice d’entretiens encore en cours, l’accès à l’Orangerie a été rendu possible et la surprise a été de taille. Taille est bien le mot tant la superficie de cet abri pour les arbres fruitiers et autres essences exotiques est démesurée. Démesurée et épurée : blancheur de la pierre récemment restaurée, lumière filtrée, tamisée par des baies à petits carreaux qui conservent au lieu sa majesté. Le bruit cristallin du filet d’eau alimentant un puit carré au seuil de ce temple horticole résonnait doucement contre les parois voûtées. Une armée entière aurait pu y siéger sans se piétiner. Quelques statues de marbres, dispersées ici-et-là, dialoguaient en politesses muettes. Dans cette pièce, sans doute plus qu’ailleurs dans ce château, on se trouve doublement aux Portes du Soleil, ce Roi admirable à tant d’égards, qui a su faire de son règne une lumière pour les siècles après lui. Donner tant de lustre à une simple serre d’hiver, la concevoir ouverte sur des jardins somptueux, c’est montrer son souci du fragile et du détail, c’est concevoir l’ingéniosité humaine comme une tension vers la perfection.