« Flâneries 2023 » – # 126 – « Un pincement au cœur »


Le voudraient-ils qu’ils n’oseraient pas l’avouer ouvertement. Qui ? Les Français. Quoi ? Leur nostalgie de la Monarchie ; nostalgie alourdie d’un inconscient sentiment collectif criminel. Chaque évènement royal outre-Manche : naissance, mariage, voyage officiel et aujourd’hui 6 mai, le couronnement de Charles III, leur rappelle leur Histoire et ce que, dans leurs colères irrationnelles, ils lui ont sacrifié. Louis XVI a été guillotiné le 21 janvier 1793, Marie-Antoinette l’a été le 16 octobre de la même année. La Convention a laissé mourir d’abandon et de mauvais traitements leur fils, le petit Louis-Charles. Louis XVIII, frère de Louis XVI, a un peu régné sous les deux Restaurations pour mourir sans descendance. Charles X a régné mais, renversé, est allé mourir en exil en Autriche. Son cousin, Louis-Philippe Ier, fils de Louis-Philippe d’Orléans dit Philippe Égalité qui avait voté la mort de Louis XVI, sera le dernier roi avant d’aller mourir dans le Surrey. Henri V, duc de Bordeaux et comte de Chambord, jettera le gant devant le sentiment d’hostilité des Français à l’égard du principe monarchique et ira mourir en Autriche-Hongrie à Lanzenkirchen pour finalement être inhumé en Slovénie.

Il nous manque, républicains, une dimension supérieure, intemporelle, impartiale, une permanence au sommet de la Nation qui se démarque des luttes politiques. Il nous manque une référence morale, spirituelle, la notion de lignée qui assurerait la pérennité de la Nation française. Il nous manque le souci des plus faibles. Les Rois français étaient réputés thaumaturges, investis du don de guérir les écrouelles et, avec ce souci, une certaine humanité, presque paternelle, protectrice, ce que les Anglais nomment le « caring conservatism », une responsabilité aux caractéristiques presque féodales de protéger les plus faibles. La Vème République voulue par Charles de Gaulle, notre Constitution qui s’appuie sur la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, reprend ces principes moraux de force supérieure, immanente. Ce qu’il nous manque, et que nous avons perdu encore plus profondément avec l’ultra-sécularisation de notre société, ce sont les rituels.

Il n’y a pas de société sans rituels et le protocole d’investiture républicain d’un président élu, même au suffrage universel, peine à l’illustrer et encore moins à le perpétuer. Avec le couronnement de Charles III, même dans les difficultés qui sont les siennes, les Britanniques et l’ensemble du Commonwealth, ritualisent d’une part leur identité nationale, d’autre par leurs liens avec une communauté d’intérêt. La France est orpheline, régicide, parricide depuis 1793. À la suite, elle s’est toujours montrée ingrate envers ceux qui ont voulu lui rendre sa superbe : Napoléon Ier, Napoléon III, Charles de Gaulle. Elle se mire dans le miroir lointain qu’offre l’Angleterre avec envie, mais son reflet est comme piqué, oxydé par des remords d’autant plus vifs que les Jupiter récents n’en n’ont ni la carrure, ni l’élégance, ni le vocabulaire et surtout pas le panache.

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