
Travail réalisé en atelier d’écriture avec des compagnons de la nuit, ceux qui n’ont pas forcément d’abri. « « En scène » » en fut la proposition.
Quand vous êtes en scène, en cercle comme ici, autrement ailleurs, il faut savoir quoi dire. Il faut avoir le bon mot, la présence ; il faut s’avancer, se mettre en avant. Et jouer. Mais jouer quoi ? Le texte que l’on vous demande de réciter, pour plaire, pour briller, pour paraître, pour reluire. Pour des mots creux, des mots convenus, des mauvais mots. La lumière est sur vous. Vous êtes populaire.
Et puis, un jour, alors que vous êtes en scène, pas la scène d’ici, une autre ailleurs, il n’y a plus rien à dire. Plus de bons mots ; le silence. Vous calez, vous êtes à court, vous séchez. Plus de lumière. Vous êtes solitaire.
Vous vous êtes entendu parler avec les mots des autres, vous cherchez les vôtres mais ils sont longs à venir ; vous les aviez trop bien cachés depuis trop longtemps.
Vous fouillez les poches de votre mémoire, vous rappelez votre dictionnaire. Pas rancuniers, les mots, vos mots, vos bons vieux mots, un par un, reviennent. C’est comme si le temps n’avait pas passé, que vous vous étiez quittés hier.
Quel bonheur d’être à nouveau ensemble ! Avec les mots qu’on connaît bien, pas, plus de chichis. Avec les mots qu’on connaît bien, on peut dire, redire, se dire tout ce qu’on veut. On peut parler de tout, on peut parler longtemps : à mots couverts, à demi-mots. On peut mettre à tous ses maux, les mots qu’on veut, les mots qu’on peut ; ce sont tous de bons remèdes.