
Pourquoi, comme cela est faisable aujourd’hui, ne pas rester chez soi au lieu de prendre le métro, de pousser les quelques pas restant, de s’efforcer d’être à l’heure ; pourquoi ne pas rester chez soi plutôt que d’aller au cinéma ? Parce que rien ne remplace un horizon de fauteuils rouges. Certes, toutes les salles de cinéma ne se valent pas, certaines sont microscopiques, mais les salles obscures donnent aux images une densité, une intensité que ne peux reproduire un écran chez soi. Dire tout cela est assez banal, enfonce des portes ouvertes, mais il faut célébrer l’obsolescence programmée des télévisions, se réjouir lorsqu’elles rendent l’âme et d’être ainsi obligé de sortir de son bunker, de se mêler à la foule. Rares sont les salles où les réseaux passent ; les portables sont de fait au chômage technique. Le pop-corn, l’esquimaux, les friandises accompagnent et trompent l’impatience pendant les réclames. Les bandes-annonces des nouveaux films s’installent dans l’agenda de prochaines réjouissances. Quelques centaines de minutes, les images coupent du monde. Spectateur, le film l’accapare, l’extrait de son quotidien, ce qui se produit moins affalé sur un canapé devant une boîte ou vautré dans un lit devant un ordinateur. « Bullitt » avec Steve McQueen, ne vaut rien en petit format ; sur grand écran, la course-poursuite dans les rues de San Francisco prend aux tripes. Les salles d’art et d’essai proposent des productions qu’aucune enseigne de vidéo à la demande ne diffusera jamais ; pas rentable. Aller au cinéma, c’est se faire des images une fête, un cérémonial ; c’est un art qui rend hommage à ce qui souvent l’est.