
Toute la sagesse de siècles de civilisation, au sens de quitter, génération après génération, sa condition de mammifère irascible, impulsif et brutal, se retrouve peut-être dans l’expression faire bonne figure. Inutile de décrire par le menu la somme d’emmerdements qui, comme le disait un Président amateur d’entrecôte de huit cents grammes au petit-déjeuner, volent en escadrille en ce moment ; on pourrait même dire que c’est une bataille d’Angleterre. Au détour des allées des jardins de Versailles, la trogne d’un petit personnage sculpté, aux traits gras, grossiers, presque sangliers avec un groin en place du nez, avec un regard chafouin et des lèvres prêtes à la grossièreté, résumerait assez bien le visage que pourrait prendre un esprit très malmené pas les tracasseries. C’est bien ainsi que devrait s’exprimer un légitime tumulte intérieur si de multiséculaires préceptes éducatifs, de contraignantes normes de savoir-vivre, ne le ceinturaient comme une camisole le fait d’un forcené. Cette retenue, enseignée dans l’enfance, besogneusement appliquée au long de la vie, avec plus ou moins de réussite, – nous ne sommes pas des saints quand même -, trouve toute sa force à l’âge adulte, notion assez relative selon les individus. Se montrer aimable, patient, compréhensif, sans trop d’effort, alors que tout pousse à la gueulante, aux vociférations, aux paires de claques et à la valse des assiettes, demande une certaine expérience, fruit de nombreuses occasions souvent marquées de dérapages ou soldées d’échecs. Quoique la tentation d’une soufflante soit fréquente et apparaisse souvent comme un expédient de premier ordre, la douceur, le oui-mais-vous-avez-raison et le comme-je-comprends, prédisposent mieux la cible, – le connard ou l’andouille, selon -, à vous venir en aide non seulement sur le moment mais également sur le long terme. Toutes ces phrases, ce long paragraphe, n’empêchent pourtant pas d’avoir le droit, en son fors très intérieur, de gueuler un bon coup, de rêver d’un salvateur et libérateur : « putain de bordel de merde ! » Pfouh ! Chut, mais que ça fait du bien !