« Flâneries 2023 » – # 144 – « Cleptoparasite »


Parmi les amis d’enfance, ou plus proche, dans le cercle de ses amis, chacun d’entre nous compte un coucou, autrement défini comme un parasite de couvée ou encore cleptoparasite. Qu’est-ce ? Il s’agit de ces personnalités, ou chez les animaux : un oiseau comme le coucou, un mammifère comme l’hyène, qui adoptent comme économie de vie de coloniser ou de puiser dans celles des autres. Vous savez, la copine ou le copain, qui vous trouve extraordinaire en tout point, qui vous suit comme une ombre, qui adopte vos habitudes, qui est toujours d’accord avec ce que vous dites, qui rit à vos moindres plaisanteries et qui singe vos faits, gestes et habitudes de vie ! En fait, qui s’immisce en vous pour faire de votre peau sa propre peau. Comme s’il n’existait pas pour lui ou elle-même, comme s’il ou elle était sans personnalité, sans références personnelles. Un pique-assiette à son extrême.

C’est la sortie d’un film, un dessin animé, La petite sirène, d’après le conte d’Hans Christian Andersen qui a favorisé cette association d’idées. Après en avoir réalisé une première version animée en 1989, avec une sirène à la peau blanche de type européen, avec un prince charmant à la peau blanche de type européen, Disney en propose une nouvelle, filmée, avec une sirène à la peau noire de type africain ; le prince charmant reste de peau blanche de type européen. Cela rappelle une récente production, Marie Stuart – Reine d’Écosse de Rosie Rourke, où les rôles d’un certain nombre de Grands de la Cour d’Écosse sont tenus par des acteurs à la peau noire de type africain ; présence de ce type qui historiquement est hautement sinon complètement improbable.

Tous les pays, toutes les sociétés, les civilisations comptent une Histoire, des récits, des contes, des légendes qui leur sont propres et qui mériteraient que ceux dont c’est l’origine ethnique, citoyenne, affective, s’en préoccupent ; d’abord et avant celles des autres. La petite sirène est un conte complètement européen et si la trame peut être considérée comme universelle, partageable, adaptable, il n’en reste pas moins qu’il y a suffisamment de matière dans chaque culture pour ne pas aller cleptoparasiter celles des autres. Plus largement, quitte à parasiter une histoire autant le faire jusqu’au bout : tous les personnages de La petite sirène édition 2023 auraient pu, dû, être noirs. Chercher à faire entrer dans l’Histoire, – prétendre lutter contre une domination blanche hystériquement fantasmée -, des personnes de couleur de peau autre que blanche par le mensonge, l’approximation ou la falsification ne rend pas service à la cause. Bien au contraire, cette méthode tue, nie, annihile la richesse des cultures d’origine et prive toute une population de la connaître, d’y entrer et de se l’approprier.

Différents scénarios se produisent après que l’œuf de coucou a été déposé par sa mère dans un nid exogène. Un : l’imposteur jette hors du nid les œufs de ses concurrents dès les premières heures de sa vie ; deux : le bébé coucou ouvre grand son bec dans l’attente du repas, son gosier rouge orangé déclenche chez ses parents adoptifs une irrépressible pulsion de becquée qui en oublient leur propre nichée ; trois : abandonné dans un nid inadéquat, par exemple de granivores, le petit coucou périt d’inanition car il ne trouve pas dans ce régime les protéines animales dont il a besoin ; quatre : à l’âge de trois semaines, le petit coucou, souvent deux fois plus lourd que ses nourriciers, est contraint de quitter le nid et d’aller exercer sa tyrannie sur un autre perchoir, ses cris attirent les prédateurs (renards, belettes, rapaces) et il est ainsi dévorés entre 3 et 5 semaines.

Pleurer sur son sort, inventer des théories fumeuses et les porter jusqu’au lavage des cerveaux dans un dessein totalitaire de réécriture de l’Histoire, coloniser le récit des autres civilisations jusqu’à y entrer par l’effraction et la duperie, n’emportent l’estime de personne, au contraire, elle fait naître le mépris, la pitié et le rejet. C’est une démarche contreproductive, qui en dehors d’être intellectuellement facile, fausse, irritante et invasive, engendre du ressentiment. En conclusion, pour le sujet de ce beau conte danois, La petite sirène, dont l’âme est pure au point de renoncer à ces sentiments pour épargner la vie du prince charmant, ne mérite pas un telle détournement idéologique. Ce serait faire preuve de dignité, de sens de l’honneur, de fierté de soi-même pour ce que l’on est, que de renoncer à un rêve blanc ridicule, à entrer par effraction dans le récit de l’Histoire, pour gagner un paradis, un nid, qui n’est pas le sien.

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