On aimerait tous, ou presque, pouvoir consacrer son esprit à des sujets, des considérations, des occupations élevés. On rêve tous, à un moment ou à un autre, à ce que seraient nos vies, débarrassées des contingences matérielles et des trivialités du tout-venant.
De fréquentes et puissantes bouffées d’envie de légèreté colonisent nos âmes, comme une vague immense qui prend une force aux extrémités de nos corps livrés aux affres du quotidien et qui s’étale dans la pensée, comme une masse qu’un goulet minuscule étranglerait.
Une conférence avec de doctes et passionnants orateurs, un livre captivant, on aimerait pouvoir s’y plonger sans que des idées parasites s’agrippent à nos neurones pour les détourner des discours passionnants.
Mais non. Cette béatitude-là, ce détachement-là, surviennent rarement, ne prennent jamais toute leur place.
Il y a toujours un reste de l’esprit à la traîne qui rumine ; qui une panne domestique, qui une remarque désobligeante, qui un souci matériel. Toujours.
La pensée n’est jamais comme on la voudrait : intacte, entière, sereine, délivrée. La pensée est tronquée de l’essentiel, polluée par des scories, certes invisibles et notoirement sans importance, mais qui, comme les microbilles de plastique tapissent le fond des océans, encombrent presque toute notre bande passante, altèrent notre sanctuarité.
C’est seulement une débauche de volonté, un effort presque hargneux qui permettent de maintenir le cap, comme un pilote agrippe les commandes de son appareil, comme un marin contraint la barre de son navire pour opposer tous ses forces aux vents et aux courants contraires, pour pourfendre les airs et les eaux tumultueux.
Guillemette Callies 
[…] je touche le fond. Dans un précédent billet, j’évoquais, en termes bien plus philosophiques, toutes les choses qui, dans la vie, privent […]
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