
Qu’on est beau, qu’on est propre avant le départ !
C’est le moins que l’on puisse faire sur le tapis vert déroulé jusqu’à nos pieds par Le Nôtre.
Certes, cela manque un peu de décorum : colifichets et falbalas, dentelles et perruques poudrées.
Je ne suis pas certaine que le Grand Louis eût approuvé ; ses sous-bois transformés en lieux d’aisance. C’est la partie la moins noble de la course à pied ; du trail en l’occurrence. « Comment chier dans les bois » est le titre d’un ouvrage au thème peu équivoque qui donne quelques conseils pour pouvoir se tirer d’affaire avec un minimum de praticité, à défaut d’élégance, en des circonstances manquant cruellement de confort et d’intimité.
Remarquez qu’il paraît qu’en leur époque, Louis le Grand, Louis Le Bien Aimé et Louis Le restaurateur de la liberté eurent à déplorer quelques abus en la matière ; « matière » étant un vocable suffisamment éloquent pour vous en imposer une chiée supplémentaire.
Le sentiment « d’en vouloir » devrait-il se traduire par une débauche d’excitation, des manifestations de guerrier partant au front « fleur aux runnings » ?
Non.
Il suffit d’être sûr de son fait, autrement dit lucide et honnête sur sa capacité à mener au bout, 45 kilomètres de course.
La performance se conjugue humblement sur un mode très personnel ; par tous les temps – ici, moiteur et ondées tropicales – et par tous les terrains – ici, un jeu continu de dénivelés et de plats peu indulgents.
Le sentiment « d’en vouloir » se charnière sur l’oscillation entre les injonctions du corps et celles de la volonté. Les deux jouant d’une lutte et d’un va-et-vient féroces.
Ce qui leur fait rendre gorge, c’est de leur imposer un autre jeu : celui d’aller sans se soucier du résultat sinon celui d’atteindre la ligne d’arrivée.
Cela ne sert à rien de vous battre tous les deux ; avec ou sans peine, on terminera.
Qu’on est décrépi, qu’on est sale à l’arrivée !
Mais Versailles est maintenant loin derrière et Louis ne peut pas nous voir.
« Grand Dieu sauve le Roi. » Et nous aussi !