« Flâneries 2023 » – # 54 – « Le cinéma est un spectacle »


Toutes les existences méritent-elles d’être racontées ? Sans doute pas dans leur version fleuve, mais certainement dans leurs moments cruciaux, ceux, déboires, succès, fatalité, chance, qui décident d’un avenir, qui font basculer un destin. Steven Spielberg, dans The Fabelmans embrasse les deux, plus exactement il se saisit de la biographie de sa prime jeunesse et des évènements d’alors qui ont aiguillé ses choix, imprimé sa façon de s’exprimer dans le septième Art.

Le synopsis du film pourrait tenir en deux phrases : Le jeune Sammy Fabelman tombe amoureux du cinéma après que ses parents l’ont emmené voir « The Greatest Show on Earth ». Armé d’une caméra, Sammy commence à faire ses propres films à la maison, pour le plus grand plaisir de sa mère qui le soutient. Cependant, ce n’est pas pour rien que le film débute sur sa première expérience de cinéma, – Sous le plus grand chapiteau du monde de John Ford -, et sur la scène de déraillement du train causée par une voiture placée à contre-sens des rails. La voiture, ce sont tous les moments cruciaux d’une vie, ce sont aussi les manœuvres que l’on exécute pour éviter qu’un évènement ne survienne, pour dérouter le sort, mais qui se révèlent tantôt vaines, tantôt réussies, tantôt pénalisantes.

Ce qu’explique Steven Spielberg dans le film, c’est que tous les évènements de sa vie l’ont non seulement conduit à actionner une caméra, mais aussi à comprendre que le regard appuyé sur le viseur capte autant la scène principale telle qu’elle se déroule mais aussi tous les autres champs, des histoires en principes secondaires mais qui en réalité affectent lourdement le récit. En filmant les vacances familiales en camping, l’objectif braqué sur les facéties de ses parents, de ses sœurs, la pellicule agrippe d’autres scènes de second plan : celles de la liaison adultère de sa mère avec « tonton Bennie ».

C’est ce que, à la fin du film, lorsqu’il a dix-neuf ans, dans une première rencontre avec son modèle du septième Art, John Ford appellera l’horizon. Il y a l’action principale, l’évidence, mais aussi, le contexte, l’alentour ; le reste de la vie auquel il faut tout autant prêter attention. Steven Spielberg, alias « Sammy » Fabelman dans le film, agrège tous les champs de vision car tous convergent vers le destin de cinéaste qu’il s’est construit. Comme lui explique son grand-oncle, tous ces évènements, tous ces regards, qui confrontent et mêlent la famille, la vie, les sentiments, créent la déchirure au sein de laquelle l’Art prend son essor.

De ce qui aurait pu devenir échec ou demeurer banalité, Steven Spielberg en montre une catharsis originale : il n’y a pas de châtiment de coupable, il y a tout simplement la vie où chacun, ici principalement son père et sa mère, joue un rôle à sa mesure sans qu’il ait à y porter jugement ou à en nourrir du ressentiment. Pour lui, sans ou avec caméra au poing, la vie, comme le cinéma, s’offre aux regards, éveille des sentiments, des réactions ; est un spectacle.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s