« Flâneries 2023 » – # 113 – « De pierre, de fer et de fonte »


La Cathédrale Notre-Dame de Paris, en cours de reconstruction après le drame de 2019, peut tirer quelques enseignements de la résilience de celle de Chartres. Celle-ci a connu pas moins de huit incendies. Deux ont détruit la ville mais l’ont épargnée. Elle a pu néanmoins renaître à chaque fois plus belle, plus spacieuse, plus haute qu’avant. Les outrages dont l’édifice a souffert ont commencé en 743 ou 753 avec les troupes du duc d’Aquitaine, Hunald Ier, ont connu leur point culminant pendant la période révolutionnaire pour s’achever par un incendie de la charpente en châtaignier, causé par la négligence de deux ouvriers plombiers. Autant dire que c’est presque là un miracle permanent, des résurrections à répétition.

Aujourd’hui, Notre-Dame de Chartres est une beauté de pierre, de fer, de fonte mais aussi et surtout de lumière. Avant même la nomination d’un premier évêque, Saint Aventin, contemporain des Apôtres, des druides carnutes avaient voué la grotte, qui devait devenir la chapelle Notre-Dame de Sous-Terre à l’intérieur de la crypte, à « la vierge devant enfanter ». En 1970, est classé monument historique le don du roi Charles le Chauve, petit-fils de Charlemagne : une relique sensée être le « voile de la Vierge ». Même si la datation l’atteste comme une étoffe des premiers siècles, un doute subsiste sur sa réelle appartenance à la mère de Jésus ; la soie précieuse dont elle est brodée n’entrant pas dans la vêture habituelle de la femme d’un simple charpentier de Nazareth. Mais le vocable charpentier, à l’époque de la naissance du Christ, recouvrait plusieurs réalités de statut social.

Il n’en reste pas moins que la leçon qui peut être tirée des mésaventures de la cathédrale est qu’il ne faut jamais se soumettre à la fatalité et aux drames, qu’il faut sans cesse reconstruire et que le meilleur peut toujours renaître de cendres. Notre-Dame de Chartres a été consacrée le 17 octobre 1037. Cela fait ainsi neuf cent quatre-vingt-six ans qu’elle domine la Beauce et que ses flèches orientent les pèlerins, entre autres sur la voie de Saint-Jacques de Compostelle. Ici, en haut des tours, comme sur la terrasse du château d’Ecouen dans la plaine de France, avec un peu d’imagination et une forte capacité d’abstraction de toutes les marques de la modernité, il est possible de se représenter un horizon de champs et de forêts, quelques clochers épars, un vague tumulte d’activités villageoises et agricoles. Il est possible de ressentir l’émotion des voyageurs, rompus de fatigue, voyant se dresser au loin cette sainte balise et venir rendre grâce du salut qui les avait préservés des dangers au pied du vitrail à la couleur inimitée de Notre-Dame de la Belle Verrière ; être touchés et sanctifiés par les reflets mariaux bleu de Chartres.

L’évêque Fulbert, qui ordonna l’essentiel de l’édifice que nous contemplons aujourd’hui, priait la Vierge ainsi : « Cernere divinum lumen gaudete, fideles » ; « Réjouissez-vous, fidèles, de contempler la clarté divine ».

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